Juliette BENABENT a mené une enquète asez complète sur les techniques de buzz et de bouche à oreille dans le cinéma (et m' a interviewé à cette occasion d'ailleurs)
Résultat un joli papier de 2 pages dans Telerama du 17 décembre dont voici quelques extraits.
"Comment certains films, qui semblent destinés à une carrière confidentielle, connaissent-ils un succès inattendu ? C'est la rumeur, favorable ou non, qui déjoue les plans marketing. Le bouche-à-oreille : une alchimie mystérieuse, mais aussi une manière de communiquer sur une expérience collective, le cinéma.
... Aimer les mêmes films, c'est faire partie d'une communauté de spectateurs, fût-elle virtuelle. « La plupart des gens détestent aller seuls au cinéma, poursuit Xavier Rigault, car le film offre un facteur de lien, la promesse d'une expérience collective. Ce partage prend une grande valeur dans nos sociétés où l'on se définit par ses loisirs et ses goûts affichés sur son profil Facebook. »
Internet permet d'ailleurs une accélération fulgurante du bouche-à-oreille, y compris négatif. Il y a encore dix ans, un gros film très attendu, même décevant, attirait les foules les premiers jours, avant que sa mauvaise réputation ne se répande. L'an dernier, L'Auberge rouge, pour ne citer qu'un exemple récent, a été boudé très vite par le public, malgré une énorme campagne de publicité et un casting très porteur. Blogs et forums cinéphiles sont si nombreux – et parfois très prescripteurs – que certaines agences de communication orchestrent le « buzz » en infiltrant des plates-formes de dialogue : ils y diffusent de faux avis de spectateurs recommandant le film qu'ils promeuvent…
Bruno Chatelin, ancien distributeur et fondateur du site filmfestivals.com, affirme même que « le bouche-à-oreille est toujours une émanation, une excroissance de la communication organisée par des professionnels ».
“Un film est projeté devant des journalistes, des responsables de comités d'entreprise, des coiffeurs, réputés pour leur art de converser.”
De toute façon, stratégie marketing ou non, l'enthousiasme du public ne peut se porter sur un film dont personne n'a jamais entendu parler. Pour un distributeur qui croit mordicus au potentiel d'une œuvre, comment créer alors les conditions d'un futur bouche-à-oreille ? En faisant le métier à l'ancienne, en artisan de la culture. Lors de tournées en province, le film sera projeté en présence du metteur en scène ou des acteurs, devant un public choisi pour sa capacité à faire connaître son avis, les fameux « relais d'opinion » : des journalistes, des responsables de comités d'entreprise, voire des coiffeurs, réputés pour leur art de converser. « Nous choisissons un public ciblé en fonction du sujet du film, dit Régine Vial, distributrice aux Films du Losange...
Tous les films ne se prêtent pas à ce travail de terrain censé exciter la curiosité et amorcer une bonne réputation. Comment les choisir ? « C'est très intuitif, répond Régine Vial. Il faut déjà que le réalisateur ait envie d'accompagner son œuvre, que le film aborde un sujet fort, permettant le débat. On choisit cette stratégie pour des films qui ne seront pas exposés dans de grands festivals, dont les auteurs ne sont pas très connus. » Exemple : le tour de France de Yolande Moreau (déjà elle !) pour accompagner Quand la mer monte, son premier film, sorti en 2004...
...Favorisé par des professionnels passionnés, entretenu comme une fragile braise sur qui repose l'espoir d'un brasier, le bouche-à-oreille valorise aussi les spectateurs dont la parole est entendue, la recommandation suivie, et dont le plaisir de cinéphile consiste pour beaucoup à faire découvrir Little Miss Sunshine, La Vie des autres ou Mondovino. Pour mieux en parler ensemble.
Juliette Bénabent: Télérama n° 3075
http://www.telerama.fr/cinema/y-a-quelqu-un-qui-m-a-dit,37183.php