Projet de loi Création et internet : le dossier complet
Le 22 octobre 2009, le projet de loi destiné à combattre le téléchargement illégal sur internet a été validé par le Conseil constitutionnel. Il avait été définitivement adopté le 22 septembre par le Parlement lors d'un dernier vote à l'Assemblée, par 258 voix contre 131.
Un dispositif pédagogique conforme à la Constitution. La possibilité de mettre en oeuvre une procédure pénale simple et rapide – juge unique et ordonnance pénale – a été jugée conforme à la Constitution. Il en est de même pour la création d’une peine complémentaire de suspension de l’accès à internet, tant en matière délictuelle (à l’égard des auteurs de téléchargements illégaux) que contraventionnelle (à l’égard des abonnés coupables de « négligence caractérisée » dans la surveillance de leur accès à Internet).
Il reviendra au Parlement de préciser dans quelles conditions le juge pourra statuer par ordonnance pénale sur les demandes de dommages et intérêts présentées par les victimes du piratage.
Le Conseil constitutionnel a estimé que rien ne s’opposait à une telle disposition mais qu’il appartenait au législateur de fixer lui-même le détail des règles applicables et non de les renvoyer à un décret.
La Hadopi opérationnelle dès 2010. La mise en place de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet, instituée par la loi dite « HADOPI I », chargée du volet préventif de la lutte contre le piratage, va se poursuivre selon le calendrier prévu, avec la nomination de ses neuf membres dans le courant du mois de novembre et l’envoi des premiers messages d’avertissement aux abonnés dès le début de l’année 2010. Les sanctions prévues en cas d'actes répétés de piratage en ligne sont confiées à la justice pénale.
Développer l’offre légale. Un nouveau chantier s’ouvre désormais : favoriser le développement d’offres légales plus attractives, plus riches et plus diverses tout en garantissant la rémunération des créateurs et des investisseurs ainsi que le partage équitable de la valeur créée par la diffusion sur la Toile des oeuvres culturelles de toutes natures.
Frédéric Mitterrand entend y parvenir grâce à la mission qu’il a confiée à Patrick Zelnik et en partenariat étroit avec les signataires des accords de l’Élysée du 23 novembre 2007, pacte fondateur d’un Internet civilisé ( le 3 septembre, Frédéric Mitterrand avait confié une mission sur l’offre légale de contenus culturels sur Internet et sur la rémunération des créateurs et le financement des industries culturelles à Patrick Zelnik, Président d’Impala et Président-directeur général de Naïve.)
Protéger le droit. Le 15 septembre, le Projet de loi Création et internet dit loi « Hadopi » a été adopté à l'Assemblée nationale par 285 voix contre 225. Il l’a été dès le lendemain en commission mixte paritaire (CMP) chargée d’élaborer une version commune. C'est la version votée la veille par l'Assemblée nationale qui a été adoptée, sans aucune modification, par la majorité de la CMP. Le 21 septembre, le Sénat devait enfin valider ce texte.
Frédéric Mitterrand a déclaré, le 15 septembre, que cette loi allait « protéger le droit face à ceux qui veulent faire du net le terrain de leurs utopies libertariennes ». Le ministre a également précisé qu'il comptait « pouvoir faire des propositions au Président de la République et au Premier ministre avant la fin de l'année au moment où les lois Hadopi I et Hadopi II s'appliqueront ».
Un texte nécessaire mais non suffisant. Lors de la discussion du projet de loi au Sénat, le 21 septembre, Frédéric Mitterrand, a qualifié le texte de « nécessaire mais non suffisant » évoquant « une deuxième étape: le développement de nouvelles formes d'offres culturelles sur internet et l'invention de nouvelles sources de rémunération pour les créateurs ». Le Ministre a évoqué la mission qu'il a confiée à ce sujet au producteur Patrick Zelnik, indiquant qu'il présenterait ensuite des propositions à Nicolas Sarkozy avant la fin novembre.
Adopté au Sénat. Le nouveau projet de loi Création et Internet a été adopté au Sénat le 8 juillet. Le texte a été adopté lors d'un vote par scrutin public par 189 voix contre 142. Frédéric Mitterrand s'est félicité de la conclusion de cette « étape décisive pour la protection des créateurs ». Le ministre de la Culture et de la Communication a ajouté : « Il est temps de franchir l'étape de l'Assemblée nationale et quand tout cela aura été fait, nous entamerons la troisième étape, c'est-à-dire l'étape de la discussion pour la meilleure rémunération des créateurs et pour la meilleure diffusion des offres à l'usage des internautes. »
Nouveau projet de loi. Prenant acte de la décision du Conseil constitutionnel du 10 juin 2009, le nouveau projet de loi « réaffirme la volonté du Gouvernement de prévenir le pillage des œuvres sur internet et prévoit un dispositif judiciaire adapté pour sanctionner les auteurs de téléchargements illicites », indique le compte rendu du conseil des ministres. Il a été présenté mercredi 24 juin 2009 en conseil des ministres par le Garde des sceaux Michèle Alliot-Marie.
Le nouveau projet de loi:
- autorise les agents de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) à constater les infractions à la protection des œuvres via internet et à recueillir les observations des personnes concernées.
- permet à la justice de recourir à des procédures simplifiées pour prononcer des sanctions contre les auteurs de téléchargements illicites. Un traitement rapide et efficace du contentieux sera ainsi assuré par la voie d'ordonnances pénales et devant le tribunal correctionnel siégeant à juge unique.
- prévoit des sanctions pénales adaptées. Les atteintes aux droits d'auteurs et droits voisins commises sur internet pourront être sanctionnées d'une peine de suspension de l'abonnement.
La décision du conseil constitutionnel. La loi Création et internet instaure une « Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet » (Hadopi). La loi prévoyait que l'Hadopi soit dotée d'un pouvoir d'avertissement des auteurs de téléchargements illégaux, ainsi que suite à ces avertissements d'un pouvoir de sanction : couper l'accès à internet.
Le 10 juin, le Conseil constitutionnel a jugé ce dernier point inconstitutionnel, estimant inapproprié qu'une autorité administrative soit dotée de ce pouvoir. Selon le Conseil constitutionnel, la coupure de l'abonnement ne peut incomber qu'au juge.
Lors de la séance des questions d'actualité à l’Assemblée nationale le 16 juin dernier, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, Christine Albanel avait affirmé son intention de « présenter un texte de loi très court pour articuler la fonction pédagogique de l’Hadopi avec l'intervention du juge, pour donner à celui-ci les moyens d'agir et pour donner aussi la possibilité de procédures accélérées ».
Elle a indiqué : « Il est très important que le processus pédagogique de prévention du piratage ait été adopté par le Conseil Constitutionnel ». Précisant que « l’économie et l’ambition du texte ne sont pas remis en question », la ministre de la Culture et de la Communication a rappelé sa détermination. « Je suis satisfaite qu'une très grande part de la loi soit acquise et je suis déterminée à poursuivre », a-t-elle déclaré.
La mise en place de la Haute Autorité, exclusivement chargée du volet préventif de la lutte contre le piratage, devrait avoir lieu selon le calendrier prévu et les premiers messages d’avertissement seront adressés dès l’automne aux abonnés à Internet.
L'adoption du projet de loi au Parlement. Le 12 mai 2009, l’Assemblée nationale a adopté par 296 voix contre 233 le projet de loi Création et internet sur la protection des droits sur internet. Le 13 mai 2009, c’est le Sénat qui a ratifié le texte à une très large majorité : 189 voix contre 14. Le vote du texte est ainsi rendu définitif.
Christine Albanel « remercie les sénateurs et députés de tous bords politiques qui ont apporté leur soutien au projet de loi Création et Internet ». Elle rappelle que cette loi « s’inscrit dans une série de mesures sans précédent par leur ampleur - notamment en matière de fiscalité et d’accès au crédit - destinées à aider les créateurs et les entreprises indépendantes du cinéma, de la musique, de l’édition, du jeu vidéo, à aborder avec confiance l’ère de la diffusion numérique de leurs œuvres. »
Par ailleurs, Christine Albanel explique que « la loi permettra la multiplication des offres légales de musique et de films. » Elle note également que « ce texte contient des mesures directement destinées à améliorer les offres proposées au public. »
Genèse du projet de loi. Dans la lettre de mission adressée à Christine Albanel le 1er août 2007, le Président de la République a fermement pris position sur la nécessité de lutter contre le piratage pour préserver la diversité culturelle et les filières économiques menacées par le pillage des œuvres. Le 5 septembre 2007, la ministre de la Culture et de la Communication a confié à Denis Olivennes, alors président-directeur général de la FNAC, une mission destinée à préparer un accord entre les professionnels de l’audiovisuel, de la musique, du cinéma et les fournisseurs d’accès à Internet. Cette mission s'est traduite par la remise d'un rapport et par la signature des Accords de l’Elysée, le 23 novembre 2007, entre 47 entreprises ou organisations représentatives de la Culture et de l'Internet (pdf). Ces accords traduisent pour la première fois un consensus entre les créateurs, les industries culturelles et les fournisseurs d’accès à Internet pour créer un cadre juridique favorable au développement de l'offre légale d'œuvres sur les réseaux numériques.
Amélioration de l’offre légale. Les Accords de l'Elysée (23 novembre 2007) constituent un compromis où toutes les parties sont gagnantes et notamment les internautes, car leur premier volet vise à améliorer l'offre légale de films et de musique sur Internet. D'abord, les professionnels du cinéma se sont engagés à mettre les films à disposition des internautes plus rapidement : 6 mois après la sortie en salle au lieu de 7 mois et demi, dès la mise en place du dispositif anti-piratage ; puis, dans un second temps, la durée de l'ensemble des "fenêtres" de la chronologie des médias sera revue pour se rapprocher des durées moyennes en Europe (environ 4 mois dans la cas de la VOD). Ensuite, les maisons de disque se sont engagées à retirer les DRM « bloquants » des productions musicales françaises, un an au plus tard après la mise en œuvre du dispositif de prévention graduée. Certaines d’entre elles ont d’ailleurs anticipé ces délais en retirant les DRM « bloquants » dès à présent.
Une loi «pédagogique» et préventive. L’autre volet des Accords de l'Elysée concerne la prévention et la lutte contre le piratage. Il nécessite l’intervention d’une loi pour garantir l’équilibre des droits de chacun : le droit de propriété et le droit moral des créateurs, d’une part, et la protection de la vie privée ainsi que la liberté de communication des internautes, d’autre part. C’est l’objet du projet de loi « Création et Internet », présenté le 18 juin 2008 au Conseil des ministres et voté en première lecture au Sénat le 30 octobre 2008.
Aujourd’hui, l’internaute s’expose à une poursuite pénale dès le premier téléchargement illégal (« les sanctions pénales en vigueur »). Désormais, si le projet de loi est voté, plusieurs avertissements précéderont toute sanction. Il ressort en effet d’une récente étude d’opinion que 90% des personnes averties cesseraient de pirater à réception du deuxième message. La mise en œuvre de ce dispositif reviendra à une Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, qui agira exclusivement sur saisine des ayants droit dont les œuvres auront été piratées : elle n'exercera donc aucune surveillance a priori et généralisée des réseaux. Elle procèdera comme suit à l'encontre des pirates :
- le premier avertissement sera envoyé par courriel ;
- le deuxième avertissement prendra la forme d’une lettre recommandée, pour s’assurer que l’abonné a bien pris connaissance du manquement qui lui est reproché ;
- en cas de renouvellement du manquement, la sanction peut prendre la forme d’une suspension de l’abonnement internet de un mois à un an, assortie de l’interdiction de se réabonner pendant la même durée auprès de tout autre opérateur. Toutefois, pour accentuer l’aspect pédagogique, une transaction est possible entre la Haute Autorité et l’abonné : s'il s'engage à ne plus renouveler son comportement, la suspension sera réduite à une durée inférieure à trois mois. Dans le cas des offres dites « Triple play », la suspension de l’abonnement ne peut porter sur les services de téléphonie et de télévision. Par ailleurs, lorsque la suspension de l’accès à Internet pourrait avoir des effets disproportionnés, par exemple pour les entreprises, le projet de loi prévoit une mesure alternative : la Haute Autorité pourra exiger l'’installation de dispositifs préventifs (de type « pare-feux »), qui permettront d'empêcher le piratage par les salariés à partir de leurs postes de travail.
Les effets du piratage. En 2006, un milliard de fichiers piratés ont été échangés en France. L’industrie musicale a enregistré en 5 ans une chute de 50% de son chiffre d’affaires. Il en résulte une baisse de l’emploi dans les maisons de disques ainsi qu’une diminution d’un tiers du nombre de nouveaux artistes « signés » chaque année. Le cinéma et la télévision commencent à ressentir à leur tour les effets du piratage des oeuvres qu'ils produisent ou diffusent. Par ailleurs, le piratage massif constitue un frein considérable au développement de l’offre légale sur Internet, qui s'est pourtant considérablement enrichie au cours des dernières années : plusieurs millions de titres musicaux et plus de 2500 films y sont désormais disponibles, parfois pour quelques euros par mois.
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