Les cinéastes européens réunis à la Mostra de Venise demandent une rencontre urgente avec la Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, pour que le cinéma revienne dans le giron de la culture à la Commission européenne.
Les représentants des nombreuses associations européennes signataires de la Déclaration des Cinéastes, réunis ce dimanche lors d’une rencontre intitulée "La Déclaration des Cinéastes back in Venice", ont réaffirmé la valeur fondamentale de l'Exception Culturelle et ont demandé que la compétence exclusive sur le cinéma et l'audiovisuel soit réattribuée au Commissaire européen à la Culture. Menacé par des intérêts financiers et industriels, le secteur du cinéma et de l'audiovisuel doit sortir de la logique industrielle prédominante actuelle et revenir dans la sphère de la politique culturelle européenne.
Les cinéastes ont aussi exprimé leur inquiétude quant à la fragilité du règlement "AI Act" sur la question de la protection des droits des œuvres et de l'utilisation non réglementée d'une technologie par ailleurs révolutionnaire. Ils ont également réaffirmé l'importance du géoblocage, de la directive sur les services de médias audiovisuels et de la directive sur le droit d'auteur.
Lors du même débat à Venise, Claude Lelouch, l'un des créateurs du concept d'Exception Culturelle, a déclaré : "Les créateurs et les cinéastes sont des rêveurs. Les rêves ne peuvent pas être enfermés dans des logiques uniquement industrielles".
Cette rencontre, organisée par les Giornate degli autori, l'Anac, 100autori, WGI, AIDAC avec le soutien du SIAE, s'est tenue à Venise dans le cadre des Venice Days, en présence de Claude Lelouch, Radu Mihaileanu et Marine Francen des associations de cinéastes français L'ARP et SRF, et de Mimmo Calopresti, Giorgio Glaviano, Giacomo Durzi et Francesco Ranieri Martinotti.
Nous, cinéastes, œuvrons au croisement « d’un art et par ailleurs d’une industrie » (André Malraux).
Nous portons la dimension artistique de cette industrie. Et c’est parce que les auteurs et les cinéastes sont libres que notre industrie est vivace.
Aujourd’hui, la diversité et la vitalité de notre secteur sont de plus en plus affaiblies par certaines pratiques qui contreviennent aux principes fondamentaux du droit d’auteur et à la liberté de création : scénarios modifiés, collaborateurs artistiques et castings imposés, films modifiés au montage par les diffuseurs, choix de musique prescrits, mutation de la fonction du réalisateur de créateur à exécutant, etc.
Ces pratiques, visant à contourner l’esprit initial de l’œuvre – donc implicitement de l’œuvre achevée – en invoquant des raisons commerciales, représentent immanquablement une forme de censure qui altère tout processus de création. Elles remettent en question la liberté d’expérimentation et aboutissent à invisibiliser l’auteur, en se rapprochant dangereusement de la notion de copyright qui prévaut sur le marché américain.
Ces pratiques n’ont leur place ni dans notre cinéma, ni dans l’audiovisuel où l’on constate déjà depuis longtemps cette même tendance.
Il est donc absolument essentiel de protéger notre statut d’auteurs et de réaffirmer notre droit moral, en rappelant que :
les éléments suivants doivent être décidés d’un commun accord entre l’auteur et le producteur, dont la collaboration et le rapport de confiance sont au cœur de notre création. Ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’addition, de suppression ou de changement sans l’accord, explicitement exprimé, du cinéaste :
· la version finale du scénario ;
· le titre du film ;
· la version finale du montage du film ;
· ce qui inclut les génériques de début et de fin du film.
le nom de l’auteur doit obligatoirement apparaître :
· au générique du film ;
· sur tout support promotionnel physique ou numérique ;
· sur tout canal de diffusion et support d’exploitation, sur la page de présentation du film le cas échéant (chaînes télévisées, plateformes en ligne de vidéo à la demande à l’acte ou par abonnement…).
Tout manquement aux points énoncés ci-dessus et/ou toute pression exercée pourraient être considérés comme une volonté de subordination, ce qui ouvrirait la voie d’une requalification du contrat de cession de droits en contrat de travail. Ceci pourrait impliquer la perte des droits d’exploitation de l’œuvre.
A la demande du cinéaste, toute infraction relative à ces points, de l’écriture au montage final, doit pouvoir être relevée et sanctionnée.
Par cette déclaration commune, nous nous engageons à n’accepter aucune dérogation à ces principes, et à ne signer aucun contrat ou accord qui y serait contraire.
Nous appelons tous les partenaires de notre exception culturelle à s’y engager également.
PRÈS DE 1000 SIGNATAIRES
Depuis la publication de cette Déclaration, plusieurs événements sont organisés pour prolonger les réflexions :
– Le vendredi 19 mai 2023 à Cannes, durant le Festival, L’ARP et la SRF organisent une table ronde au Pavillon Les Cinémas du Monde, en partenariat avec l’Institut Français et Unifrance, pour prolonger les réflexions autour du rôle de l’auteur dans le processus de création et de réalisation de l’œuvre. Le débat est modéré par Marine Francen et Radu Mihaileanu.
Cet échange entre réalisateurs et réalisatrices du monde entier a été l’occasion d’évoquer la place des cinéastes et de la création aujourd’hui, ainsi que l’impact de l’évolution des modèles économiques et des nouvelles technologies, telles que les algorithmes et l’intelligence artificielle, sur la liberté de création.
– Le dimanche 3 septembre 2023 à Venise, les auteurs du monde entier relancent la « Déclaration des Cinéastes » pour protéger le statut des auteurs et le droit moral sur leurs œuvres.
Les associations d’auteurs italiens (ANAC – Associazione Nazionale Autori Cinematografici, 100autori, WGI – Writers Guild Italia) et français (L’ARP – Société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs, la SRF – Société des réalisatrices et réalisateurs de films) s’unissent pour réaffirmer le rôle de l’auteur dans le processus de création et de réalisation de l’œuvre, ainsi que pour se solidariser avec leurs collègues américains qui se battent pour les mêmes principes.
Ensemble, elles organisent la rencontre « Déclaration des cinéastes – Acte II » qui a lieu au Lido di Venezia au Pavillon italien – Hôtel Excelsior.
– Le samedi 23 septembre 2023 à Saint-Sébastien, les cinéastes et auteurs du monde entier poursuivent de nouveau le débat au 71e Festival international du Film de Saint-Sébastien.
La rencontre, organisée par ACCIÓN (Association des Réalisateurs de Films), a eu lieu le samedi 23 de 17h à 18h au Kursaal Press Club. Elle est diffusée en streaming sur : www.acciondirectores.com
– Le vendredi 15 décembre 2023 à Athènes, les cinéastes lancent l’acte IV de la Déclaration des Cinéastes.
– Le 19 février 2024 à 20h, à Berlin, aura lieu l’acte V de la Déclaration des Cinéastes, dans le cadre des « Regie Talks 2024 » en coopération avec le Bundesverband Regie e.V (BVR).
– Le 6 mars 2024 à 16h30, au Parlement européen à Bruxelles, s’est tenu l’Acte VI de la Déclaration des Cinéastes, avec la table ronde Défendre les droits des auteurs et des cinéastes à l’ère numérique : l’impact de l’IA sur l’industrie cinématographique, organisée par le député européen Ibán García del Blanco, en collaboration avec L’ARP, la SRF, la FERA et ACCIÓN.
– Le 2 septembre 2024 à 14h à Venise, dans le cadre des Venice Days, s’est déroulé l’Acte VII de la Déclaration des Cinéastes organisé par les Giornate degli autori, l’Anac, 100autori, WGI, AIDAC avec le soutien du SIAE et en présence de Claude Lelouch (Président d’honneur de L’ARP), Radu Mihaileanu (Vice-Président de L’ARP) et Marine Francen des associations de cinéastes français (SRF), et de Mimmo Calopresti, Giorgio Glaviano, Giacomo Durzi et Francesco Ranieri Martinotti.
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